L’effectuation ou une autre manière d’entreprendre quand on n’est pas un super héros

Saras Sarasvathy, chercheuse américaine d’origine indienne, Prix Nobel de l’Economie en 1978, a observé comment font les entrepreneurs pour créer, prendre des décisions et réussir.
Loin des représentations que l’on se fait de l’entrepreneur et du mythe de l’entrepreneur super héros, elle développe le concept de « l’effectuation ».
Elle prend le contrepied des stratégies classiques de l’entrepreneuriat, des logiques linéaires et causales, qui voudraient que l’entrepreneur soit visionnaire, qu’il ait une grande idée, qu’il fasse une étude de marché et rédige un business plan, qu’il lève des fonds, créer son entreprise et lance sa gamme de produits ou ses activités.
L’effectuation sera largement diffusée en France grâce à Philippe Silberzahn et en voici les 5 grands principes.

1. Démarrer avec ce que l’on a ou « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras »

La stratégie classique de l’entrepreneuriat propose de d’abord définir ses objectifs, puis d’aller chercher les moyens correspondants pour atteindre son but.
Suivant l’effectuation, l’entrepreneur part à l’inverse des moyens et des ressources dont il dispose pour définir ses objectifs en conséquence. Il mobilise en premier lieu sa personnalité, ses connaissances et son expertise, ses relations. Il fait avec ce qu’il a, ici et maintenant, plutôt que d’attendre d’avoir le projet parfait, l’équipe au complet, les financeurs au rendez-vous, le client parfait, etc.
Le point de départ est donc l’entrepreneur ; contrairement à ce que l’on pourrait penser, nul besoin d’avoir une idée géniale, innovante ou révolutionnaire pour être entrepreneur.

2. Définir sa perte acceptable pour limiter les risques

Selon les représentations classiques de l’entrepreneuriat, on imagine que l’entrepreneur prend des décisions après avoir calculé son retour sur investissement et en réduisant les risques.
La logique effectuale permet à l’entrepreneur de tâtonner, de tester son projet par petite touche et de limiter les risques en définissant à chaque étape sa perte acceptable. La perte acceptable c’est ce que l’entrepreneur est prêt à perdre, en temps, en salaire, en investissement, en confort, etc.
Celle-ci est déterminée à l’avance, ajustée au fur et à mesure de la construction du projet.
L’entrepreneur n’aime pas particulièrement le risque et n’est pas prêt à tout perdre.
Il mesure le risque en déterminant ce qu’il est prêt à perdre plutôt que ce qu’il veut gagner.

3. Créer des partenariats, susciter l’engagement ou « le patchwork fou »

On apprend classiquement que l’entrepreneur doit conduire une étude du marché dans laquelle il va aussi analyser la concurrence pour se positionner par rapport à elle et gagner sur elle.
Le principe de l’effectuation invite l’entrepreneur à considérer les personnes qui ont une offre similaire comme des partenaires potentiels plutôt que comme des rivaux et à développer des partenariats avec différents types d’acteurs en les impliquant en tant que parties-prenantes.
Le projet est co-construit au gré des rencontres, des engagements et des contributions, sans que l’on puisse dire au départ quelle forme il prendra et avec qui.
L’entrepreneur ne réussit pas seul ; il développe ses idées avec les autres.

4. Tirer parti des surprises ou « faire de la limonade avec des citrons »

Dans une conception classique de l’entrepreneuriat, l’entrepreneur peut dépenser beaucoup d’énergie à la planification stratégique pour chercher à éviter les surprises et minimiser les imprévus.
Suivant l’effectuation, l’entrepreneur saura accueillir favorablement les surprises, les imprévus, les contretemps, les suggestions, les échecs pour en tirer parti et en faire des opportunités.
Il en fera une opportunité de réinterroger son projet, d’explorer de nouvelles pistes ou cibles, de créer de nouvelles activités, de partir sur une autre idée, etc.
« Si on vous donne des citrons vous ferez de la limonade, mais si on vous donne des oranges vous ferez alors de l’orangeade. »
L’entrepreneur développe ainsi souplesse et créativité, une capacité à s’adapter et à rebondir.

5. Créer le contexte ou rester le pilote dans l’avion

Dans les théories classiques, l’entrepreneur cherche à prévoir l’avenir, à deviner le marché.
Il fonde son développement sur une logique de prédiction pour pouvoir contrôler le marché.
A l’inverse dans le concept de l’effectuation, l’entrepreneur va chercher à inventer l’avenir plutôt que d’essayer de le prédire.
Puisque nul ne peut prévoir le futur, il va créer lui-même de nouveaux univers.
L’action prédomine pour transformer son environnement. L’entrepreneur va construire et contribuer à l’avenir.

Article écrit par Emmanuelle Le Roy, entre autres à partir des articles de Philippe Silberzahn et de ce qu’Osmose a expérimenté de l’effectuation
Lire les articles dans leur intégralité
Comment-entrepreneurs-pensent-agissent-principes-effectuation
quatre-mythes-entrepreneuriat